Chronique juridique -  Congés payés et arrêts maladie : une loi de mise en conformité minimaliste

La loi « fourre-tout » n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant « diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne » (Ddadue) en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, met partiellement le Code du travail français en conformité avec le droit de l’Union européenne.

Édition 051 de fin mai 2024 [Sommaire]

Temps de lecture : 5 minutes

Acquisition des congés payés pendant un arrêt-maladie

Combien de jours de congés payés un salarié peut-il acquérir pendant un arrêt-maladie sans caractère professionnel  ? Deux jours ouvrables par mois (Code du travail, article L. 3141-5, 7° nouveau), dans la limite de 24 jours par an (Code du travail, article L. 3141-5-1 nouveau).

Combien de jours de congés payés un salarié peut-il acquérir pendant un arrêt-maladie consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle  ? Deux jours et demi ouvrables par mois (dans la limite de 30 jours par an), quelle que soit la durée de l’arrêt. La durée maximale d’un an est supprimée (Code du travail, article L. 3141-5-5° nouveau).

Quelle est la nouvelle obligation d’information du salarié par l’employeur  ? Au terme d’un arrêt-maladie, l’employeur informe le salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, du nombre de jours de congé dont il dispose, et la date jusqu’à laquelle ils peuvent être pris, notamment au moyen du bulletin de paie (Code du travail, article L. 3141-19-3 nouveau).

Quelle est la nouvelle période de report pour la prise des congés payés acquis  ? La loi institue une période de report de quinze mois pour prendre les congés payés acquis n’ayant pu être posés en raison d’un arrêt-maladie. Le délai de quinze mois démarre à partir du moment où l’employeur a informé le salarié sur ses droits à congés (supra), postérieurement à sa reprise du travail (Code du travail, article L. 3141-19-1 nouveau). Des règles particulières s’appliquent en cas d’arrêt de travail d’au moins un an (Code du travail, article L. 3141-19-2 nouveau). Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche, peut fixer une durée supérieur pour la période de report (Code du travail, article L. 3141-21-1 nouveau).

Application rétroactive des nouvelles règles

Les nouvelles dispositions légales sont applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d’entrée en vigueur de la loi (24 avril 2024).

Si le salarié est toujours présent dans l’entreprise, il a un délai de deux ans, à compter de l’entrée en vigueur de la loi (soit avant le 24 avril 2026) pour demander à bénéficier des jours de congés payés acquis pendant ses arrêts-maladie (2 jours ouvrables par mois, dans la limite de 24 jours par an).

Si le salarié a quitté l’entreprise, il peut agir dans un délai de trois ans à compter de la rupture de son contrat de travail pour obtenir une indemnité compensatrice de congés payés.

Cependant, sur de nombreux points, cette loi est en deçà de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne depuis 2009, mise en œuvre par la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 2012, notamment avec les arrêts du 13 septembre 2023 (discrimination au regard de l’état de santé et rétroactivité trop limitée).

Arrêt de travail pour maladie pendant les congés payés 

Par ailleurs, en matière de congés payés, le droit national doit encore intégrer de nombreux autres apports du droit européen et du droit international. Mais le gouvernement n’a pas saisi cette occasion pour mettre en conformité le Code du travail avec le droit de l’Ue. En voici une illustration. 

Lorsque l’état de santé d’un salarié se dégrade pendant une période de congés payés, il peut, selon la gravité de la dégradation de son état de santé, bénéficier d’un arrêt de travail pour maladie.

Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, «  la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. Cette finalité diffère en cela de celle du droit au congé de maladie. Ce dernier est accordé au travailleur afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail  ».

Par conséquent, «  un travailleur qui est en congé de maladie durant une période de congé annuel fixée au préalable a le droit, à sa demande et afin qu’il puisse bénéficier effectivement de son congé annuel, de prendre celui-ci à une autre époque que celle coïncidant avec la période de congé de maladie  » (Cjce 10 septembre 2009, Francisco Vicente Pereda contre Madrid Movilidad Sa). 

En effet, la directive européenne n° 2003/88/Ce «  s’oppose à des dispositions nationales prévoyant qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail  » (Cjue, 21 juin 2012, Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución [Anged] contre Federación de Asociaciones Sindicales [Fasga], Federaciόn de Trabajadores Independientes de Comercio [Fetico], Federaciόn Estatal de Trabajadores de Comercio, Hostelería, Turismo y Juego de Ugt, Federaciόn de Comercio, Hostelería y Turismo de Ccoo).

Ainsi, selon la jurisprudence européenne, «  le travailleur a le droit de prendre son congé annuel payé coïncidant avec une période de congé de maladie à une époque ultérieure, et ce indépendamment du moment auquel cette incapacité de travail est survenue  ». Le salarié devra bénéficier du report des jours de congés payés dont il n’a pu bénéficier du fait de son état de santé. Il bénéficiera du report des jours de congés payés coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie.

Des juridictions nationales ont déjà mis en œuvre la jurisprudence européenne. Ainsi, il a été jugé que le salarié qui a fait l’objet d’un arrêt-maladie au cours d’une période de congés payés doit bénéficier du report des jours de congés correspondant aux jours d’arrêt de travail pour maladie : «  durant ses congés payés, le salarié a fait l’objet d’un arrêt de travail pour maladie, il peut prétendre au report des jours d’arrêt maladie qui ne peuvent être imputés sur son solde de congés payés  », «  la maladie en cours de congé annuel suspend le cours du congé de sorte que le salarié peut prétendre au reliquat de congé  » (Cour d’appel de Versailles, 18 mai 2022, Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion de la Ville de Nanterre).

L’employeur devra informer le salarié des modalités de report des congés payés dont il n’a pu bénéficier du fait de l’arrêt-maladie survenu au cours de sa période de congés payés (supra, Code du travail, art. L. 3141-19-3 nouveau).