La Cgt veut revenir sur l’ensemble des réformes régressives des retraites que nous avons connues depuis la réforme Balladur de 1993 et même depuis 1987, année où il a été décidé de passer d’une indexation sur les salaires à une indexation sur les prix, ainsi que de revenir sur les réformes ultérieures de 2003, 2010 (passage de l’âge d’ouverture du droit à 62 ans) et 2014 (passage progressif de la durée de cotisation à 42 annuités).
À l’opposé, la Cgt revendique le retour de l’ouverture du droit à pension à 60 ans (et même avant pour les métiers pénibles) avec un taux de remplacement de 75 % et une indexation des pensions sur les salaires et non sur les prix.
En 2021, le rapport du Conseil d’orientation des retraites (Cor) permet d’approcher les besoins de financement nécessaires. Ils sont de l’ordre de 4 points de Pib, soit environ 100 milliards d’euros.
Cela ne signifie pas qu’il faudrait, tous les ans, dégager 100 milliards d’euros supplémentaires, mais que, par exemple depuis le début des années 2000, il aurait fallu en moyenne 5 milliards d’euros de recettes supplémentaires par an pour satisfaire nos revendications. Notons que le rapport du Cor ne permet pas de chiffrer avec précision ce besoin de financement, et n’estime le besoin de financement sans réforme que depuis 2010, année de la remise en cause du droit à la retraite à 60 ans.
L’effet de la désindexation des pensions de retraite
Dans son rapport de 2021, le Conseil a présenté un scénario dit « contrefactuel » qui consiste à estimer ce que serait la part des retraites dans le Pib si ces réformes régressives n’avaient pas eu lieu : il s’agit en particulier du maintien de l’ouverture du droit à 60 ans dans le public comme dans le privé, du maintien de l’indexation des pensions liquidé et des droits portés au compte sur les salaires et non sur l’inflation.
Selon lui, cette absence de réforme aurait conduit à faire passer la part des dépenses de retraite dans le PIB de 13,7 % en 2019 (avant la crise sanitaire) à environ 18 %, ce qui représenterait un peu moins de 100 milliards d’euros actuels, et si on projette ces évolutions à 2060, à 21,1 % en 2060 contre 14 % dans le scénario de réforme, avec un âge de départ avoisinant 64 ans.
Il n’est pas inintéressant de souligner que ce « gain financier » s’explique à hauteur de 60 % par la désindexation des pensions sur les salaires, et pour le reste par le recul de l’âge. Cette désindexation est donc le facteur principal, le passage de l’âge d’ouverture du droit à 62 ans et l’allongement de la durée de cotisation sont moins importants (moins de 40 %)
Ainsi, si le coût de la revendication de la Cgt serait pour le moins extrêmement significatif, la question de l’avenir de nos retraites est d’abord et fondamentalement un choix de société.
Au fond, la question est de savoir si on fait de la retraite un âge de la vie où chacune et chacun pourrait bénéficier d’une période de loisir en (relativement) bonne santé, ou si l’augmentation de l’espérance de vie serait quasiment totalement absorbée par une augmentation de la durée de vie au travail (ce qui serait le cas selon les études du Cor). On assiste déjà à une stagnation notable de l’espérance de vie en bonne santé (Evsi, ou « espérance de vie sans incapacité »).
Ainsi, la question du financement des retraites apparaît-elle comme la question centrale, ainsi que le souligne depuis de nombreuses années la Cgt, et elle est d’abord une question de répartition des richesses entre le capital et le travail.
Les propositions de la Cgt pour financer les retraites
En premier lieu, il importe que nos propositions ne soient pas séparables de celles formulées pour financer la Sécurité sociale (ce que nous appelons aujourd’hui la Sécurité sociale intégrale).
Les retraites sont partie intégrante de la Sécurité sociale (indépendamment de ses modalités actuelles et en particulier de la séparation retraite de base/retraite complémentaire dans le secteur privé), et doivent relever des mêmes modalités. Elles constituent un salaire socialisé (et non un salaire différé) et sont donc un élément de la rémunération globale du salarié qui correspond à la rémunération de sa force de travail.
Nos propositions de réforme s’inscrivent dans ce cadre, et ne sont donc pas différentes dans leur principe, s’agissant des retraites et par exemple de la prise en charge des dépenses d’assurance maladie.
La Cgt a de longue date mis dans le débat public un ensemble de propositions que nous allons résumer ci-dessous :
le passage du taux de chômage à 4,5 % (un peu plus de 7 % actuellement) dégagerait près de 10 milliards d’euros ;
une augmentation des salaires de 3,5 % dégagerait 6,5 milliards d’euros pour financer les retraites ;
l’augmentation du point de l’indice fonction publique : milliards d’euros ;
L’intégration des primes dans la fonction publique : également milliards d’euros ;
Actuellement, les exonérations et exemptions diverses de cotisations sociales (intéressement par exemple) représentent des pertes de recettes de 75 milliards d’euros compensées notamment par la Tva (plus de 40 milliards d’euros) et la Csg. La soumission de l’épargne salariale à la Csg représenterait à elle seule 10 milliards d’euros.
L’instauration d’un « malus » sur les emplois précaires pourrait rapporter jusqu’à 10 milliards d’euros par an.
L’élimination de la fraude aux cotisations sociales rapporterait au minimum 1 à 2 milliards d’euros par an.
Enfin la Cgt propose de créer une contribution sociale sur les dividendes. Celle-ci pourrait rapporter jusqu’à 20 milliards d’euros par an. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une taxe, mais plutôt d’une récupération d’une partie de richesses créées par les salariés grâce à leur travail.
L’ensemble de ces mesures représenterait ainsi une bonne part des 100 milliards d’euros nécessaires pour financer la retraite à 60 ans avec un taux de remplacement de 75 % au moment de la liquidation, et indexés sur les salaires.
Sans compter que cela contribuerait à générer davantage de richesses, donc davantage de cotisations sociales. À cela s’ajoute la question du « maltravail ». Des études menées il y a déjà plusieurs années ont montré le coût considérable de ce maltravail pour la protection sociale, et au-delà son impact négatif sur la création de richesses. Le faire reculer aurait un impact significatif sur le financement des retraites.
Au total, cela démontre que la question du financement des retraites est d’abord une question de répartition des richesses créées par le travail dans le cadre d’un mode de développement qui ne serait plus fondé sur la création de valeur pour l’actionnaire, mais sur ce que la Cgt nomme le développement humain durable, respectueux de l’écosystème.
Pierre-Yves Chanu est conseiller confédéral, représentant de la CGT au Conseil d’orientation des retraites.
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