Frustré par une défaite face à Emanuel Lasker, l’Américain Harry Nelson Pillsbury analysa, jusqu’à l’écœurement, toutes les possibilités après le 7e coup de l’ouverture. Son obsession de revanche dura huit années… mais finit par payer !
Dans ses Réflexions sur la guillotine, en 1957, Albert Camus écrivait : « Mais qu’est-ce donc que l’exécution capitale, sinon le plus prémédité des meurtres auquel aucun forfait criminel, si calculé soit-il, ne peut être comparé ? » En décembre 1895, les organisateurs du prestigieux tournoi de Saint-Pétersbourg accueillirent quatre participants qui devaient chacun s’affronter à six reprises. L’Allemand Emanuel Lasker, champion du monde en titre ; l’Autrichien Wilhelm Steinitz, vice-champion du monde ; Harry Nelson Pillsbury, l’Américain vainqueur du récent tournoi de Hastings en Angleterre, et le représentant russe, Mikhaïl Tchigorine, 2e à Hastings.
En totalisant huit victoires pour trois défaites et sept nulles, Lasker s’empara du premier prix avec deux points d’avance sur Steinitz. Pillsbury prit la 3e place avec un point d’avance sur Tchigorine. À la 4e ronde, le champion du monde s’imposa brillamment sur Pillsbury. Mais peu après la partie, l’Américain eu l’idée d’un coup plus fort dans l’ouverture. Il attendit huit longues années avant de pouvoir mettre en pratique sa trouvaille. Entre-temps, il avait très profondément peaufiné la ligne d’ouverture. Les possibilités après le 7e coup de l’ouverture furent analysées jusqu’à l’écœurement, racontait William Ewart Napier, joueur et ami proche de Pillsbury. « Je suis devenu son billot de bois. Je jouais le rôle du Dr Lasker. Nous analysions et nous jouions la position à chaque fois que nous nous rencontrions, au pays, mais aussi à l’étranger. Cela a duré pendant huit ans. C’était devenu d’un ennui, digne de la vie d’un cheval de trait. » Mais cet acharnement devait finalement payer.
En 1904, au tournoi de Cambridge Springs, en Pennsylvanie, Pillsbury put finalement rejouer la variante avec son nouveau 7e coup contre le champion du monde. Après une lutte acharnée mais relativement brève (30 coups), il emporta sa revanche. Cette victoire contribua à la victoire finale d’un autre Américain dans le tournoi, Frank Marshall, devant Emanuel Lasker qui occupa la 2e place ex aequo. Quant à William Napier, son dévouement eut une conséquence heureuse : il épousa l’une des nièces de Harry Nelson Pillsbury !
La revanche d’Harry Nelson Pillsbury sur Emanuel Lasker
1.d4 d5 2.c4 e6 3.Cc3 Cf6 4.Cf3 c5 5.Fg5 cxd4 6.Dxd4 ! ? Cc6 7.Fxf6 (l’amélioration préparée par l’Américain pendant huit ans !) 7…gxf6 (7…Dxf6 8.Dxf6 gxf6 9.cxd5 Cb4 10.Tc1 Cxd5 11.Cxd5 exd5 12.e3 est un peu mieux pour les blancs. Après : 7…Cxd4 8.Fxd8 Cc2+ ? 9.Rd2 Cxa1 10.Fh4+- le cavalier en a1 est coincé.) 8.Dh4 dxc4 9.Td1 ! Fd7 10.e3 Ce5 11.Cxe5 fxe5 12.Dxc4 (les noirs ont la paire de fous mais une position difficile à jouer.) 12…Db6 13.Fe2 ! ? (13.Td2) 13…Dxb2 (Lasker ose prendre le pion et il menace 14…Tc8.) 14.0–0 ! (une ligne illustre la force de la paire de fous : 14.Tb1 Da3 15.Txb7 ? Tc8 16.Tc7 Txc7 17.Dxc7 Fd6 18.Dc4 Fb4 19.Rd2 Db2+ 20.Rd3 Fxc3 21.Dxc3 Fb5+–+) 14…Tc8 15.Dd3 Tc7 16.Ce4 Fe7 17.Cd6+ Rf8 (17…Fxd6 18.Dxd6 est désagréable pour les noirs.) 18.Cc4 Db5
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