Platines – Art de la Renaissance : une triple à la 16 !

Marie-Domitille Murez est harpiste. Mais il y a peu de chances pour que vous l’entendiez dans Le Sacre du printemps, de Stravinsky, ou dans La Symphonie fantastique, de Berlioz. Car l’instrument dont joue la jeune musicienne est la harpe triple, et son répertoire est la musique ancienne. Apparue au XVI^e siècle en Italie, l’instrument tire son nom des trois rangées de cordes (soit un total de 70 à 80 cordes) qui permettent de jouer dans les différentes tonalités, contre 47 pour la harpe moderne, dotée, elle, d’un système de pédales pour les altérations (dièses ou bémols).

Au plan de la sonorité, on n’est pas sur la texture gracile et douce que l’on connaît, par exemple, dans Le Cygne, du Carnaval des animaux, de Saint-Saëns, mais davantage entre le luth et le clavecin, et un caractère beaucoup plus pincé et cristallin des cordes, dont la Toccata Ligatura, de Giovanni Maria Trabaci, donne un bel aperçu en ouverture de l’album.

Pour son premier disque, mûri pendant le confinement, Marie-Domitille Murez s’est inspirée des Dames de Ferrare, un groupe de chanteuses, musiciennes et danseuses qui animaient des «  concerts secrets  » pour la cour ducale entre 1570 et 1597. La plus célèbre d’entre elles, Laura Peverara, harpiste de talent, était célébrée par Le Tasse et les compositeurs de l’époque. Certains noms ne vous diront rien (Jean de Macque, Ascanio Mayone, Luzzasco Luzzaschi), d’autres peut-être un peu plus (Girolamo Frescobaldi), mais ces pièces, transcrites du clavecin ou de la voix, Ancidentemi de Trabaci, ou Aura soave, de Luzzaschi, ravissent par leur éloquence expressive et la diversité des coloris.

Ulysse Long-Hun-Nam

• Marie-Domitille Murez, Laura, 1 Cd Gemelli Factory, 16 euros.