par Sophie Binet, Secrétaire générale de l’Ugict-Cgt
Un an à peine après la mise en œuvre d’une réforme violente de l’assurance-chômage, le gouvernement veut en imposer une nouvelle, sans même avoir évalué la précédente. Rappelons que seul·e·s 36 % des privé·e·s d’emploi sont indemnisé·e·s, un chiffre en chute libre. Rappelons que 6 à 8 millions de personnes sont privées d’emploi, alors que le droit au travail est inscrit dans la constitution. On est bien loin des « profiteurs » que nous dépeignent gouvernement et patronat. Pour contourner l’opposition unanime des organisations syndicales à un nouveau recul des droits, le gouvernement a annoncé une simple concertation, en lieu et place de la négociation prévue par la loi. De même pour le Parlement, dont le rôle se limitera à signer un chèque en blanc, en autorisant le gouvernement à légiférer par décret sur l’assurance-chômage. Un hold-up démocratique !
Le gouvernement veut pouvoir moduler la durée d’indemnisation en fonction du taux de chômage. L’objectif : baisser, une nouvelle fois, les durées d’indemnisation pour contraindre les privé·e·s d’emploi à accepter n’importe quel boulot, quel que soit le salaire ou la localisation géographique. Résultat : le déclassement pour les plus qualifié·e·s, le chômage et la précarité pour les autres. Une mauvaise réponse à une vraie question. Les difficultés de recrutement sont réelles, mais limitées. Elles concernent les secteurs marqués par des salaires faibles, des horaires atypiques et des conditions de travail difficiles (aides à domicile, chauffeurs de cars, BTP…). Ou des profils qualifié·e·s, dans la santé, le social ou l’informatique, pour lesquels la pénurie s’explique par un déficit d’anticipation en matière de formation et une attractivité en berne du fait de salaires trop faibles et d’une perte de sens… Surtout, ces difficultés de recrutement ponctuelles ne doivent pas occulter l’augmentation des licenciements, qui sont aujourd’hui 11 % plus élevés qu’en 2019 ! La mise en place de droits « contracycliques », variant en fonction de la conjoncture, vise donc à faire baisser les salaires et à dégager de nouvelles économies.
En 2022, les comptes de l’assurance-chômage sont pourtant excédentaires de 2,2 milliards ! Il s’agit d’une rupture avec le principe contributif, au fondement de l’assurance-chômage, qui garantit aux salarié·e·s qui perdent leur emploi le maintien de leur niveau de vie. Le résultat direct de la réforme de 2019, qui a remplacé les cotisations salariales chômage par la CSG. Comme l’a toujours dit la CGT, modifier le financement change la philosophie du système. On passe de droits acquis par les cotisations versées, le « salaire socialisé », à des prestations financées par l’impôt, la « solidarité nationale », et donc conditionnées, plafonnées et versées aux plus nécessiteux… que l’on pourra ensuite aisément montrer du doigt. La fabrique de ce que les libéraux appellent « l’assistanat ».
Cette modification de financement s’accompagne d’un changement démocratique : alors que les règles de l’assurance-chômage étaient définies par accord entre patronat et syndicat, elles seront désormais directement définies dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), adopté par le Parlement ou par 49-3. Voilà ce que l’on appelle l’étatisation du système. C’est pour empêcher ce hold-up sur nos droits que la CGT revendique un financement par la cotisation. Plus le système est universel, mieux il protège les plus faibles. La preuve : intégrer les cadres sup qui gagnent plus de 13 000 euros à l’assurance-chômage en soumettant l’ensemble de leurs salaires à cotisation et en leur garantissant des allocations dégagerait 800 millions d’euros de ressources annuelles supplémentaires pour le régime ! Rendez-vous le 29 septembre pour exiger le retrait de cette réforme !
Chronique initialement publiée dans l’Humanité Magazine du 22 septembre 2022
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