La loi de financement de la Sécurité sociale a été adoptée au Parlement, dans un contexte marqué par la pandémie, sans que celle-ci ait été l’occasion de réorienter la politique gouvernementale en termes d’amélioration de l’accès à la santé. Entretien avec Pascale Vatel, secrétaire générale de la Fmf.
Alors qu’elle fête ses 75 ans cette année, dans quel état apparaît la Sécurité sociale ?
Fragile, plus que jamais fragile. Nous avons, de nouveau, une loi de « non-financement », qui exige que, dès l’année prochaine, de nouvelles économies soient réalisées, par exemple, de la part des hôpitaux publics ! Après le Ségur de la santé, le gouvernement s’apprête, en 2021, à reprendre l’argent concédé sous la contrainte. Le gouvernement Castex continue et intensifie la besogne libérale : il affaiblit méthodiquement et silencieusement la Sécurité sociale. Alors que la crise fait baisser les recettes de la Sécu, l’État continue de financer son dogme de baisse du « coût du travail » et d’offre fiscale au 1 % le plus riche, au détriment de la protection sociale pour tous. Dans le même temps, il décide d’épargner au budget de l’État la charge des arrêts de travail pour garde d’enfant, pour les imputer au budget de la Sécurité sociale.
C’est dans ce même état d’esprit qu’il a créé le « forfait urgences » ?
Tout à fait ! Non seulement le gouvernement fait main basse sur le budget de la Sécu mais, pour boucher les trous ainsi créés, il ponctionne les ménages. C’est exactement ce qu’il se passe avec le « forfait urgences » ; au-delà, c’est aussi une manière inique de signifier aux malades qu’il faut payer pour se faire soigner. En pleine pandémie, le symbole est terrible ! Surtout lorsqu’on a à l’esprit qu’elle sévit plus férocement dans les territoires défavorisés et parmi les populations modestes. Mais il y a bien pire : c’est la transformation de 136 milliards de dette – l’équivalent de 40 % du budget de l’État – en dette sociale. Ça s’est fait au printemps 2020, dans la torpeur post-confinement. Et ça va se traduire par neuf années de plus à rembourser une dette selon les mécanismes injustes inventés en 1996 par Alain Juppé, alors Premier ministre, autrement dit par des contributions reposant exclusivement sur les ménages et frappant indistinctement les plus modestes comme les plus aisés.
Mutuelle, institution de prévoyance, assurance : qui est quoi ?
Les directives « assurances européennes » s’appliquent à des structures à la constitution et aux finalités très différentes.
– Mutuelle : société de personnes, à but non lucratif, qui se regroupent pour prendre en charge de façon solidaire leurs risques santé et développer, dans ce but, des actions sociales : centres de santé, politiques de prévention et d’information santé. Elle est gérée par ses adhérents, qui désignent sa gouvernance en assemblée générale.
– Institution de prévoyance : société de personnes, à but non lucratif, qui gère essentiellement des contrats collectifs d’assurance couvrant les risques de maladie, les incapacités de travail, l’invalidité, la dépendance et le décès. Sa gouvernance est paritaire, entre les syndicats de salariés et les syndicats d’employeurs.
– Compagnie d’assurances : société de capitaux à but lucratif, gérée par des actionnaires rémunérés en dividendes, qui vend des contrats d’assurance, y compris dans le secteur du risque maladie.
Toutes ces décisions produisent un effet ciseau : on assèche les recettes, on fait supporter des dépenses de crise et ainsi, on retrouve opportunément le fameux « trou de la Sécu » que le gouvernement prétendra résorber en réduisant les prestations sociales et de santé ainsi que les moyens de l’hôpital, tout en taxant les ménages.
Les Mutuelles de France lancent une campagne « Pas de taxe sur ma santé ». Quels en sont le sens et la portée ?
Qui sait aujourd’hui que la cotisation mutualiste est plus taxée que les profits d’Amazon ? En taxant les mutuelles, on taxe en réalité les adhérents mutualistes. Ce sont plus de deux mois de cotisations qui sont ponctionnées sur l’argent mis en commun dans la mutuelle. Ce faisant, c’est la capacité des mutuelles à agir concrètement pour l’accès aux soins, avec des centres de santé mutualistes et des politiques de prévention et d’éducation à la santé par exemple, qui est entravée. Notre campagne entend réaffirmer que, pour nous, la santé est un droit et qu’elle ne doit pas être traitée comme une marchandise.
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