Dans un courrier adressé à Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, les organisations syndicales s’inquiètent d’une ratification a minima de la convention 190 de l’Oit contre les violences et le harcèlement dans le monde du travail
En février dernier, le gouvernement s’était engagé à ouvrir une concertation pour échanger sur les différents scénarios possibles de ratification de la convention 190 portant sur les violences et le harcèlement en milieu de travail. Il ouvrait alors la possibilité d’évolutions législatives ou réglementaires pour intégrer les avancées de la convention et de la recommandation qui l’accompagne. Une étude d’impact devait être réalisée et envoyée aux partenaires sociaux afin d’évaluer l’écart existant entre la législation française et les instruments internationaux à ratifier. Bref, c’était sérieux ! Las, quelques mois plus tard, le cabinet ministériel fait entendre une tout autre musique : la ratification, finalement, ne serait pas accompagnée de modification ni législative ni réglementaire. Autrement dit, on ne change rien.
Une lettre cosignée de Sophie Binet, Béatrice Clicq, Mireille Dispot et Béatrice Lestic – respectivement en charge des droits des femmes pour la Cgt, pour la Cgt-Fo, pour la Cfe-Cgc et pour la Cfdt – appelle la ministre à rectifier le tir et à ouvrir sans tarder une concertation sur l’étude d’impact pour permettre une ratification ambitieuse de la convention, intégrant les préconisations de la recommandation 206 qui en précise son application.
Afin de contribuer à l’amélioration du droit français, les responsables syndicales mettent en avant un certain nombre de points qui devraient être pris en compte dans l’étude d’impact.
30 % des salariées ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail, mais la quasi-totalité des employeurs n’ont toujours aucun plan de prévention pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Il est donc urgent d’en faire un sujet obligatoire de négociation à tous les niveaux, sous peine de sanction pour les employeurs. L’ensemble des professionnels, des représentants du personnel et des salariés doivent être formés et sensibilisés pour lutter contre ces violences.
70 % des victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur. Et pour cause, quand elles le font, 40 % estiment que la situation s’est réglée en leur défaveur, par une mobilité forcée voire par un licenciement. Dans la lignée de la convention adoptée à l’Oit, la France doit sécuriser l’emploi et la carrière des victimes de violences, que celles-ci aient ou non un lien avec le travail, en mettant en place plusieurs mesures : le droit à des aménagements d’horaires, de poste, à des congés payés, à la possibilité d’une mobilité fonctionnelle ou géographique choisie, ainsi que l’accès à une prise en charge médico-sociale et psychologique sans frais pour les victimes. Pour garantir le droit au travail et le maintien en poste des femmes victimes de violences conjugales, il convient d’interdire leur licenciement, comme c’est le cas pour les victimes de violences au travail.
La convention et la recommandation de l’Oit pointent la nécessité de garantir l’effectivité du droit des victimes à être accompagnées et défendues. Il est donc nécessaire d’élargir au harcèlement sexuel les prérogatives des conseillers du salarié, pour permettre à tous les salariés, dans des entreprises sans instances représentatives du personnel (Irp), d’être accompagnés face à l’employeur. Dans les entreprises avec Irp, la ratification devrait être l’occasion d’un bilan de la mise en place des référents harcèlement et violences et d’examiner les leviers à actionner pour renforcer leurs possibilités d’action (formation, moyens…).
La France a aussi une responsabilité à l’étranger à travers l’activité de ses multi-nationales. Dans le cadre du devoir de vigilance, il est nécessaire d’imposer aux entreprises de prévenir la survenance de telles violences dans l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement.
Les signataires rappellent enfin qu’il s’agit, pour la France, de se doter d’une législation de référence pour éradiquer les violences sexistes et sexuelles au travail, et créer des droits pour les victimes de violences, y compris conjugales, à l’image de celles qui prévalent au Canada, en Espagne, aux Philippines, ou encore en Nouvelle-Zélande.
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