Les deux derniers congrès respectifs de la Cgt et de l’Ugict-cgt ont inscrit le déploiement syndical à la double enseigne de l’urgence et de la méthode.
Les débats de congrès sur l’état de santé de la Cgt, et au-delà, du syndicalisme comme force organisée, ont été marqués par la lucidité : l’état d’organisation est dégradé et, avec lui, la capacité d’impulsion de débats et d’initiatives. Les décisions qui ont suivi ont été à la dimension des constats : campagne de déploiement confédérale avec le souci affiché de faciliter toutes les synergies possibles entre les organisations de la Cgt, singulièrement professionnelles et territoriales. La méthode adoptée est éprouvée : ciblage de territoires qualifiés de prioritaires au regard de leur démographie socioprofessionnelle. Un bilan, des objectifs, une approche documentée : quoi de neuf dans ce processus ? La réponse renvoie évidemment à des éléments divers, au premier rang desquels on compte le contexte.
Les coups portés au syndicalisme et aux institutions représentatives, mais aussi les résultats électoraux ont, de fait, précipité une prise de conscience. L’Ugict s’y est inscrite en déterminant pour sa part dix-sept lieux à très haute concentration de cadres, d’ingénieurs et de techniciens. La démarche, estime Caroline Blanchot, secrétaire de l’Ugict, a bénéficié d’une double dynamique : « Il s’est passé deux choses décisives : d’une part, une adéquation avec une soif de rencontres militantes dans les territoires, et une volonté d’échanges. Cela devrait pouvoir faire bouger les lignes classiques des structures syndicales entre l’entreprise et son environnement social, entre profession et territoire, pour travailler mieux et davantage ensemble. D’autre part, elle nous a permis à nous, Ugict, de jouer notre rôle en réalisant des “zooms” profession par profession, territoire par territoire, sur les réalités du spécifique. »
Car une chose est de constater qu’il y a « de plus en plus de cadres », et une toute autre est de pointer les lieux de travail où ils se retrouvent par dizaines de milliers. Ces zooms permettent alors de peaufiner les plans de travail des organisations territoriales, qui, tout excellents qu’ils paraissent, peuvent comporter des blancs, des trous, qui correspondent en fait à des populations de salariés avec lesquels on pense qu’« on ne sait pas faire » et qu’« on n’aura pas de résultat ».
L’outil a d’autant plus favorisé la réflexion, notamment lors des journées d’été de Gif-sur-Yvette, qu’il a été perçu comme une aide fournie aux organisations et non comme une leçon administrée. Pour Caroline Blanchot, ces échanges ont favorisé l’émergence de deux éléments dans les débats : « D’abord, on ignore trop souvent qu’il existe nombre d’entreprises où la Cgt a remporté les élections grâce au vote des cadres, ce qui bat en brèche toute idée d’un fatalisme sociologique. Ensuite, raisonner en termes de zones à forte densité de cadres plutôt que de villes favorise la synergie entre structures syndicales. On voit ainsi fonctionner des sortes d’organisations tripartites avec la fédération, le territoire et la confédération, et l’Ugict, qui se présentent sur le terrain comme visibles, pérennes, à l’écoute, en manifestant clairement la volonté d’un syndicalisme utile et rassembleur. »
On assiste à l’émergence d’une multitude d’initiatives
Jean-Luc Molins, secrétaire de l’Ugict, le confirme : la dimension spécifique du déploiement confédéral, telle que la souligne le document adopté par le congrès, rencontre effectivement un « quelque chose » dans les organisations. « Le thème semble en phase avec des “respirations” nouvelles, avec un renouvellement au sein des directions, dans plusieurs départements, avec également une volonté mieux partagée de s’appuyer sur toutes les potentialités militantes, au-delà des seuls élus. Pour mener une campagne, il faut des énergies militantes. On assiste, de ce point de vue, à l’émergence d’une multitude d’initiatives, parfois individuelles, en lien avec les outils numériques, qui correspondent à une volonté d’agir chez tel ou telle syndiquée, à une capacité d’intervention liée à leurs qualifications et, enfin, à une envie de collectif. C’est un début, qu’il s’agit d’accompagner de façon attentive afin d’assurer son plein développement, et nous nous y employons en l’articulant avec notre réflexion revendicative sur les professions intermédiaires et techniciennes. »
Le conseil national de l’Ugict du 10 octobre livrera sans doute un bilan plus étoffé et plus précis des premières retombées d’une campagne qui, d’ores et déjà, s’annonce riche de possibles. Autant dire que nous y reviendrons.
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