Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme consacre une importante rétrospective à cette figure mythique de l’imaginaire juif d’avant la Shoah, qui continue de hanter la scène artistique sous toutes ses formes.
C’est à l’aide de plus de 200 œuvres, objets et documents divers que le musée d’art et d’histoire du judaïsme (Mahj) présente l’exposition « Le dibbouk, fantôme d’un monde disparu ». Qu’est-ce qu’un dibbouk ? C’est l’âme d’un mort, condamné à l’errance perpétuelle et à posséder les vivants. Dans le judaïsme, les premiers récits de possession d’un humain par un esprit remontent au XIIIe siècle.
En 1918, le dramaturge et militant bundiste Shalom Anski (1863-1920) publia Le Dibbouk. Entre deux mondes. Anski y synthétisait, en artiste, les traditions orales qu’il avait récoltées lors de ses expéditions ethnographiques de 1912-1914 auprès des populations juives hassidiques de Volhynie et de Podolie, en actuelle Ukraine.
Le jeune homme revient habiter le corps de sa fiancée
Le Dibbouk raconte la tragique histoire des amours de Hanan et Léa, sa promise. Cette dernière lui est refusée. Hanan meurt, foudroyé par le chagrin. Le jeune homme revient habiter le corps de sa fiancée sous la forme d’un dibbouk. Il s’exprime à travers elle, pour refuser l’union de Léa avec un autre prétendant. Une cérémonie d’exorcisme est organisée, dans le but d’expulser l’esprit qui hante la jeune fille. Mais celle-ci, résolue à suivre son bien-aimé, le rejoint « entre deux mondes ».
En 1914, Anski envoie, pour avis, la première version de sa pièce, en langue russe, au grand metteur en scène Constantin Stanislavski, qui lui conseille d’en rédiger une version en yiddish, afin qu’elle soit jouée par des acteurs juifs. Mais c’est une traduction en hébreu par le poète Haïm Nahman Bialik qui paraît la première, en 1918. Elle servira de base à Anski pour sa version yiddish, publiée l’année suivante car, entre-temps, le manuscrit en russe avait été perdu. C’est finalement cette version yiddish qui deviendra un classique.
Le Dibbouk, un classique de la littérature yiddish
Intitulée Entre deux mondes – Le Dibbouk n’étant alors qu’un sous-titre –, la pièce est d’emblée un succès. Elle sera traduite dans plusieurs langues, bénéficiera de différentes mises en scène et tournera beaucoup.
L’exposition recense les étapes de la carrière internationale du Dibbouk. En 1920, à Varsovie, la Vilner Trupe en propose, en yiddish, une mise en scène expressionniste très applaudie. De 1922 à 1963, la célèbre troupe moscovite Habima en donnera la version hébraïque en Palestine mandataire, en Europe et aux États-Unis.
« Une des choses les plus terribles que j’ai entendues »
Parmi les multiples traductions, il y aura eu, en 1927, celle d’Edmond Fleg en français. Gaston Baty la montera l’année suivante au Studio des Champs-Élysées, avant une reprise, en 1930, au théâtre Montparnasse. Antonin Artaud en dit alors : « Dans une scène extraordinaire, Léa parle avec la voix même de l’homme qui réclame ce qui lui a été destiné, c’est-à-dire elle-même […]. La voix avec laquelle cet être revendiquait son bien est l’une des choses les plus terribles que j’ai entendues. »
En 1937, lors de l’exposition internationale, la troupe Habima revint jouer à Paris, salle Pleyel, à guichets fermés. Fondés sous l’Occupation, les Compagnons de l’Arche, que dirige André Marcovici, jouent Le Dibbouk au théâtre La Bruyère, en 1947, puis à Édouard-VII. Ce seront là les débuts du grand acteur Charles Denner, qui incarnera le Landru de Claude Chabrol et L’homme qui aimait les femmes, de Truffaut.
Le Dibbouk traverse l’Atlantique
Dans la partie de l’exposition intitulée « The Dybbuk goes to Usa », il est fait état des représentations de la pièce à Broadway, en 1948, par Habima. En 1960, Sydney Lumet adapte la pièce d’Anski à la télévision. En 1974, Leonard Bernstein et Jerome Robbins créent le ballet Dibbuk.
En 1988, Le Dibbouk, devenu le symbole fantomatique d’une société sans juifs, est monté par Andrzej Wajda à Cracovie. Le 6 octobre 2003, jour de Yom kippour, ce sera la mise en scène de Krzysztof Warlikowski suivie, en 2015, de celle de Maja Kleczewska au Théâtre juif de Varsovie, édifié sur le site de l’ancien ghetto.
Le film de Waszynski tourné en Pologne avant la Shoah
Le Mahj projette des extraits du magnifique long-métrage de 1937 de Michał Waszyński, l’un des derniers films tournés en yiddish avant la Shoah. Ce sera le chant du cygne d’une culture. Des tableaux – de Chagall, entre autres La Noce, vrai chef-d’œuvre –, des dessins, des affiches, des photographies, des documents rares et des costumes de scène concourent à cette émouvante résurrection du Dibbouk.
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