Comment Paolo Roversi photographie la beauté avant tout
Au Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris, 140 de ses œuvres racontent cinquante ans d’une carrière placée sous le signe de la patience et du long temps de pose.
Paris, capitale reconnue de la mode, a sur ce thème un musée, le Palais Galliera, situé sur la colline de Chaillot. Dans ce bel édifice de style néo-Renaissance, conçu et bâti entre 1878 et 1894 sur les plans de l’architecte Léon Ginain, le musée de la Mode de la Ville de Paris abrite des collections riches de quelque 200 000 œuvres, qui retracent l’histoire de l’élégance et du vêtement du XVIIIe siècle à nos jours.
Le calendrier de cette institution prévoit de surcroît trois ou quatre expositions temporaires par an, pour faire « découvrir différentes approches de la mode, entre création artistique et phénomène culturel », et « en explorer les grandes figures ». Ces temps-ci, il s’agit du photographe Paolo Roversi.
Dans la cave de l’appartement familial
Né le 25 septembre 1947 à Ravenne, en Italie, Roversi prend ses premières photos en amateur à Séville, à l’âge de 21 ans. En 1971, il entame des études de droit à l’université de Bologne, avant d’y embrasser un cursus en « arts, musique et spectacle ». Un an plus tard, dans la cave de l’appartement familial, il apprend à développer des photos avec le facteur du quartier, Battista Minguzi.
Paolo Roversi, sûr de sa vocation, se forme alors auprès du photographe Nevio Natali et ouvre en 1972, à Ravenne, un petit studio dans lequel il tire le portrait des familles locales. Jusqu’au jour où le graphiste et photographe Peter Knapp et le peintre Mattia Moreni découvrent ses photos. « Peter Knapp a touché mes images, dit Paolo Roversi, il les a étalées par terre. Pour la première fois, je voyais mes photographies chanter. »
« Tes yeux et ton esprit doivent rester libres »
En novembre 1973, le voici à Paris. Il fait son entrée dans le monde de la mode. Paolo Roversi admire le maître photographe Guy Bourdin (1928-1991), dont on a pu définir l’univers comme « surréaliste, théâtral et désinhibé ». Il aimerait travailler pour lui. Sauf que Bourdin demande à Roversi son signe astrologique – il est balance. Verdict : « Alors non, ça ne va pas être possible. »
Roversi sera donc l’assistant du photographe britannique Laurence Sackman, qui lui enseignera la maîtrise des techniques indispensables à l’expression de son regard. « Ton trépied doit être bien fixé, lui dit-il, mais tes yeux et ton esprit doivent rester libres. ».
Travaux pour Marie-Claire et Vogue
C’est le 29 septembre 1975 que Paolo Roversi sort au grand jour : avec sa première parution dans Elle,suivie en novembre-décembre, de sa première couverture pour Dépêche Mode et de ses premières commandes pour les Galeries Lafayette. Dès lors, il est lancé. Il ne s’arrêtera plus. Définitivement installé à Paris, il travaille pour Marie-Claire et de prestigieux magazines, tels Vogue italien et français, Égoïste, Luncheon, Uomo Vogue …
Sa carrière est également marquée par sa collaboration assidue avec de grands créateurs de mode comme Yohji Yamamoto, Romeo Gigli, Rei Kawakubo et Comme des garçons… En 1980, il a la révélation du Polaroid 20 × 25 cm et achète, à New York, une chambre photographique Deardorff. Le choix du studio, du Polaroid et de la chambre grand format caractérisent l’art et la manière de Paolo Roversi, qui s’est en outre brillamment adapté au numérique.
« Laisser à l’âme le temps de faire surface »
Il use de tonalités douces et sépia, et du noir et blanc à la lumière du jour, tandis que la lampe torche lui permet la densité et la profondeur. Les plus grands mannequins sont passés devant son objectif. Il rend intense leur présence en toute simplicité. Chacune de ses photos est un portrait. Il invente sans cesse dans son studio. Voilà son credo : « Un temps long de pose, c’est laisser à l’âme le temps de faire surface. Et laisser au hasard le temps d’intervenir. »
Jusqu’au 14 juillet, au Palais Galliera, 10 avenue Pierre-1er-de-Serbie, Paris 16e, réservation recommandée.
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