À chaque réforme des retraites, c’est la même rengaine : il faudrait reculer l’âge de la retraite pour « faire en sorte que les jeunes générations puissent bénéficier d’une retraite » (Élisabeth Borne, le 23 mai 2022). Et à chaque réforme on nie aux jeunes le droit d’être légitimement révoltés par les discours du gouvernement et du patronat. Les jeunes sont snobé·es ou tourné·es en ridicule sur les plateaux télé.
Pourtant, les jeunes générations prennent une place très singulière dans les dispositifs de réforme des retraites que nous connaissons ces dernières années. Les gouvernements leur réservent généralement l’application « plein pot » des réformes. Sans parler de la « clause du grand-père » qui ne punit que les dernières et derniers entrants dans un système de retraites, tout en le fragilisant structurellement. La réforme Macron de 2023 n’échappe pas à la règle.
Alors qu’ils et elles servent d’alibi au gouvernement, force est de constater que rien dans la réforme des retraites ne sera favorable aux jeunes diplômé·es d’aujourd’hui. La réforme des retraites ne résoudra pas la baisse tendancielle du niveau de nos pensions. Alors qu’un cadre né en 1930, parti en 1989, bénéficiait en moyenne d’une retraite égale à 72 % de son dernier salaire, un cadre né en 1996 partirait à la retraite en 2062 avec 51 % de son dernier salaire.
Cette baisse progressive du taux de remplacement de nos retraites va pousser des générations entières dans les bras de la retraite par capitalisation. Les sociétés d’assurance mettent dès maintenant les bouchées doubles pour vendre, à grand coup de publicités ciblées sur les jeunes Ictam, leurs produits de retraite privée.
Les jeunes diplômé·es ne souhaitent pourtant pas la retraite par capitalisation. Ce système de retraite, qui contribue à la financiarisation de l’économie et aux investissements dans des industries polluantes, ne garantit aucunement le maintien de notre niveau de vie au moment du passage à la retraite. Au contraire, les jeunes sont, plus fortement que les autres, attaché·es à notre système de retraite par répartition. Ainsi 66 % des jeunes actives et actifs (18-24 ans) sont disposé·es à augmenter le montant de leurs cotisations, contre 47 % des 50-64 ans (sondage Ifop, 12 janvier 2023).
Nos revendications Cgt sur la hausse générale des salaires et la reprise en main de nos cotisations sociales sont des points d’appui dans cette mobilisation. Tout comme celles sur l’emploi pour toutes et tous et la lutte contre la précarité en début de carrière.
Si le diplôme est une protection indéniable contre le chômage, l’entrée dans le monde du travail des jeunes diplômé·es n’en est en effet pas moins chaotique : pour la moitié des jeunes diplômé·es de la génération 2017, l’insertion dans un emploi stable a pris 6 mois ou plus (Cereq). L’Apec nous dit également que pour un cinquième des jeunes diplômé·es bac +5, le premier emploi est un job alimentaire. Pour les jeunes diplômé·es, maintenir plus longtemps en emploi la génération de nos parents est une hérésie quand on connaît leurs difficultés d’insertion dans l’emploi.
Avec une durée d’études de plus en plus longue, atteindre les 43 annuités semble être une gageure pour les jeunes générations. Pour espérer percevoir une retraite « pleine et entière », une personne diplômée à 23 ans avec un bac+5 devrait travailler jusqu’à 66 ans ! Et pour cela il faudrait qu’elle ait trouvé un emploi directement après son diplôme et n’ait subi aucune interruption de carrière. Or les jeunes diplômé·es d’aujourd’hui voient très peu de seniors partir à la retraite à un âge si avancé. Leurs collègues, tout comme leurs parents, sont bien souvent en dehors du travail, en arrêt maladie ou au chômage. Quand ils et elles n’ont pas décidé de sacrifier leur niveau de pension pour partir dès l’âge légal atteint.
La mobilisation de la jeunesse scolarisée et des jeunes diplômé·es sera essentielle pour gagner le retrait de la réforme des retraites. Pour cela, il nous faut les convaincre sur la base de leurs revendications spécifiques, portées de longue date main dans la main par l’Unef et par l’Ugict-Cgt : la prise en compte des années d’études et des périodes de chômage subi en sortie de diplôme pour la retraite.
Les jeunes diplômé·es nous le rendront au centuple. Ils et elles sont aujourd’hui nombreux à rejoindre nos cortèges et à demander à adhérer à la Cgt. Le défi reste pour nos structures d’être capables de les organiser à partir de leurs réalités professionnelles. Souvent embauché·es en Cdd sur leurs premiers emplois, ou avec de très longues périodes d’essai (jusqu’à huit mois dans certaines branches pour les cadres !), les jeunes Ictam subissent une féroce répression quand ils et elles font grève pour la première fois dans leurs entreprises. La Cgt doit être capable de sécuriser ce passage à l’action en proposant des modes d’organisation nouveaux.
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