Un Ulysse d’aujourd’hui face à une femme qui en vaut quatre

Cet air infini est une pièce à deux personnages. Elle met en jeu Ulysse, ingénieur immigré. Il ne sait s’il doit rester vivre dans la cité occidentale qu’il contribue à bâtir, ou bien reprendre le cours obligé de son périple, afin de retourner chez lui auprès de sa famille. Il rencontre une femme à l’identité multiple. Elle est à la fois Électre, revenue des funérailles de sa mère, Phèdre tombée amoureuse de lui, Médée l’infanticide sortie de prison et Antigone, sœur d’un terroriste traqué par la police.

L’œuvre, produite par les compagnies Éclats Rémanence et Les Rugissants, et librement inspirée de la sphère tragique des anciens Grecs, est mise en scène par Jean-Noël Dahan, qui joue Ulysse. Il a pour partenaire Marie Micla, dans le rôle de la femme à l’identité changeante. De l’écriture de Lluïsa Cunillé, Jean-Noël Dahan dit ceci  : «  Le passage d’une réplique à une autre ouvre un champ inattendu, un déplacement, un vertige.  »

«  La sensation récurrente que nous sommes exilés du réel  »

Il poursuit en ces termes  : «  Le fait que ces deux êtres soient, de gré ou de force, exilés de “l’acceptable social” résonne en nous, lecteurs-spectateurs, avec la sensation récurrente, au fil de l’écriture, que nous sommes exilés du réel.  »

Cet Ulysse actuel, qui a définitivement perdu son aura épique, n’est donc plus qu’un immigré ordinaire que l’on ne regarde pas, que l’on ne voit même pas. «  Son odyssée, nous dit-on, est celle de la survie en un monde invivable qui se détruit et se reconstruit à notre insu.  »

«  Un gouffre qui donne à voir la misère de notre temps  »

Quant à la figure féminine multiple, elle choisit de «  s’opposer farouchement à ce monde. Le sabotage passionnel, auquel elle s’est livrée, la laisse au bord d’un gouffre qui donne à voir la misère de notre temps  ».    

Dès sa première création en 1991, Rodéo, Lluïsa Cunillé obtenait, en Espagne, le Prix Calderon de la Barca. Elle a composé, publié et mis en scène plus de vingt pièces, outre les adaptations théâtrales et les scénarios de films. Cet air infini a remporté, en Espagne, le Prix national de littérature dramatique en 2010.

• Du 13 au 30 mars, dans la salle de répétition (Studio) du théâtre de l’Épée de bois, à la Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, Paris 12^e.