Bob Marley et beaucoup d’autres magnifiés en noir et blanc

La Maison européenne de la photographie présente la première rétrospective de l’œuvre de l’artiste britannique Dennis Morris, qui a notamment portraituré Bob Marley et les Sex Pistols dans les années 1970.

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Dennis Morris, Un homme avec ses deux filles et son bien le plus précieux (1976) © Dennis Morris

Voilà une véritable révélation en France. Au deuxième étage de la Maison européenne de la photographie (Mep), on assiste au début de l’aventure photographique de Dennis Morris, né en Jamaïque, alors colonie britannique, et dont la famille s’installa en Grande-Bretagne en 1948 pour participer à la reconstruction de la métropole. 

À l’âge de 8 ans, Dennis Morris a la révélation en assistant à la révélation d’une photo en chambre noire. «  Je m’étais trouvé, dit-il. J’ai, dès lors, passé tout mon temps à prendre des photos.  » Il dort avec son appareil. Un conseiller d’orientation lui signifie qu’«  un photographe noir cela n’existe pas  ». L’existence de Dennis Morris sera le plus flagrant démenti à cette assertion. 

Un studio dans le coin de la pièce qu’il partage avec sa mère

Dennis Morris, Ping-pong, 56 Hope Road, Kingston, Jamaïque (1978) © Dennis Morris.

Inspiré par Henri Cartier-Bresson, maître de la photographie de rue et le grand reporter de guerre britannique Don McCullin, le jeune homme entreprend la série «  Growing Up Black  ». Il y saisit les êtres sur le vif, au sein du quartier londonien de Hackney dans les années 1970, où la communauté noire endure misère et racisme. Dennis Morris met en scène son entourage – sa famille, ses amis, ainsi que des inconnus rencontrés dans des églises ou dans la rue. Pour tirer des portraits, il improvise un studio dans un coin de la pièce qu’il partage avec sa mère.

Ces portraits d’hommes, de femmes, d’enfants, sont tous empreints d’une profonde dignité existentielle. Dennis Morris, en outre, documente l’arrivée des « sound systemes » et des « blues dances » en Angleterre, au cours de soirées où la communauté jamaïcaine danse toute la nuit sur du reggae. Il se souvient : « C’était une période charnière pour les Noirs en Grande-Bretagne, politiquement et culturellement, une période de fierté et d’affirmation. »

À Southall, il récolte de poignantes images d’autres migrants

Garçon timide, néanmoins enhardi par son appareil photo, Dennis Morris fréquente ensuite la communauté sikh de Southall, au nord-ouest de Londres. Il récolte de poignantes images de ces autres migrants  ; scènes de mariage, façades et intérieurs de boutiques, gamins aidant leurs parents après la classe… Il s’intéresse également aux enfants de la communauté sud-asiatique qui, ensommeillés, attendent le bus à l’aube, pour rejoindre des écoles très éloignées…

Un autre volet de sa pratique est visible avec la série « This Happy Breed », emprunté au titre d’une pièce de Noël Coward (1899-1973), célèbre auteur dramatique, mort en Jamaïque. Traduit, cela donne « Cette race heureuse ». Dennis Morris y paie une sorte de tribut d’étranger qui a obtenu la citoyenneté britannique. Il s’attache, sur le mode propre aux reportages publiés dans Amateur Photographer et le British Journal of Photography, à traduire sa fascination devant l’excentricité anglaise et l’esprit de la classe ouvrière. 

«  Jamais eu besoin de lui demander de prendre la pose » 

Dennis Morris s’ingénie alors à saisir, avec humour et tendresse, des championnats de grimaces, des enfants vivant dans des squats, des marchands de ferraille, des bouchers, des retraités… La visite se poursuit avec l’importante séquence consacrée à Bob Marley. On comprend aussitôt, face aux images, le lien puissant qui unit les deux hommes. «  Je n’ai jamais eu besoin de lui demander de prendre la pose  », affirme Dennis Morris. «  Il y avait une confiance entre nous. C’est ce qui en faisait la beauté.  »

Sur la lancée, Il a également immortalisé l’univers du reggae du reggae et de l’afro-rock en Grande-Bretagne. La visite s’achève sur maintes fortes personnalités de la scène musicale  : Patti Smith, le groupe Oasis, les Rita Mitsouko, Marianne Faithfull, Sid Vicious, etc. fréquemment captés en couleur, comme il sied à l’ère psychédélique.