Revue de presse -  Moment(s) d’histoire  : les législatives 2024 vues par la presse étrangère

Historique, l’élan populaire qui a permis la victoire du Nouveau front populaire. Mais historique aussi, le score du Rassemblement national à une élection législative. Après la surprise et le soulagement, les éditorialistes s’inquiètent d’une société en souffrance et fragmentée, sur laquelle prospère le vote pour l’extrême droite.

Édition 054 de mi-juillet 2024 [Sommaire]

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© Pessin

To surge, surged, surged. Traduction : surgir, faire un bond. En ce lundi 8 juillet 2024, c’est ce verbe qui est convoqué par le New York Times dans son « Briefing du lundi » (« The left surges in French elections ») pour commenter la victoire du Nouveau front populaire au second tour des élections législatives, arrivé en tête avec 182 sièges. Correspondant à Paris, Dimitry Kostyukov donne ainsi la tonalité de la presse étrangère à l’annonce des premières estimations : immense surprise et soulagement se conjuguent pour alimenter les analyses de la quasi-totalité des éditorialistes aux États-Unis, comme en Europe.

« C’est une victoire sensationnelle de la gauche », se félicite ainsi en Allemagne le quotidien Tageszeitung qui rappelle le contexte : « C’était une élection historique, car pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’extrême droite avait la perspective d’arriver au pouvoir en France avec une majorité parlementaire. » Dans son éditorial titré « Le front républicain dit non », El Pais souligne le formidable élan populaire qui a permis de déjouer le pronostic d’une irrémédiable victoire du Rassemblement national  : « La possibilité que l’extrême droite prenne le pouvoir pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale a provoqué une réaction citoyenne impressionnante avec une participation estimée à 67 %, la plus élevée depuis 1997 ». Le front républicain ? Sans surprise, il est jugé « antidémocratique  » par les médias proches du Kremlin, rapporte Courrier international.

« Tout le monde est perdant, sauf la gauche » !

De nombreux titres nourrissent leurs éditions d’images de joie populaire, notamment sur la place de la République, à Paris. En Italie, La Repubblica appuie, en barrant sa Une de ces deux mots : « Révolution française ». Oublié le temps des derniers jours de campagne, Emmanuel Macron fait à nouveau le bonheur des dessinateurs de presse, Jupiter affaibli au sommet d’un bloc à trois piliers, assommé par le fracas qu’il a lui-même provoqué. C’est ce que montre Courrier international qui, dans un remarquable travail sur les élections françaises vues par la presse étrangère, propose un diaporama des meilleurs croquis. Son site résume ainsi la tonalité d’ensemble : une France qui a « évité la sortie de route grâce à un virage à gauche de dernière minute ». Même le Wall Street Journal abonde et n’hésite pas à écrire : « Tout le monde est perdant, sauf la gauche  » !

Le « pare-feu tient »  : jusqu’à quand ?

Passé ce dénouement inattendu, la presse étrangère nuance les résultats. En s’inquiétant, pour commencer, par le score de l’extrême droite qui gagne 54 députés en deux ans. Outre-Manche, le Guardian alerte : « C’est un résultat historique pour le RN, son meilleur score jamais atteint dans une élection parlementaire, et une hausse du nombre de sièges par rapport aux 88 qu’il avait au Parlement le mois dernier au moment de la dissolution  ». Si « le pare-feu tient face à Le Pen », comme l’écrit Oliver Meiler dans le Süddeutsche Zeitung, la satisfaction affichée de prime abord est immédiatement contrebalancée par une certaine anxiété : « (cette) satisfaction d’avoir esquivé la balle ne doit pas brouiller les chiffres », prévient ainsi Daniel Barnabé dans El Pais, la défaite du Rn s’étant jouée de peu dans nombre de circonscriptions.

Le Rassemblement national en embuscade pour 2027

Risques de paralysie, pays ingouvernable avec le RN en embuscade pour 2027… Si le résultat des élections marque une pause dans la progression annoncée de l’extrême droite, le retour de boomerang pourrait être violent, préviennent les éditorialistes. Aux États-Unis, la presse se montre inquiète à quelques mois de leur élection présidentielle, rapporte Le Monde qui cite un éditorial du New York Times : «  À l’heure où le président Biden, chancelant, peine à contrer le message nationaliste “l’Amérique d’abord” de l’ancien prédisent Trump, un vide politique en France pourrait aggraver l’instabilité de la situation internationale  ». Du scrutin législatif français, le quotidien new-yorkais tire un enseignement, celui d’un message envoyé par les électeurs « aux élites pro-patronales rassemblées autour du président du français  ». Jusqu’à présent, elles sont restées sourdes, sinon actives pour détourner le résultat de l’élection.