Avec France Travail, le gouvernement accentue la pression sur les précaires

Le gouvernement a officiellement présenté le projet de loi transformant Pôle emploi en France Travail. Le texte, qui instaure un contrat d’engagement et de nouvelles sanctions, doit débuter son parcours législatif.

Édition 033 de fin juin 2023 [Sommaire]

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S’agit-il avant tout d’accompagner les personnes précaires ou sans emplois ? Ou de faire passer le taux de chômage officiel sous les 5% ? © Photopqr / L’Alsace / Maxppp

Exit Pôle emploi, place à France Travail. Le gouvernement a présenté le 7 juin, en conseil des ministres, son projet de loi «  pour le plein-emploi  ». Ce texte lève le voile sur le nouvel organisme qui, lancé au plus tard le 1er janvier 2025, serait chargé d’assurer l’accompagnement des précaires et privé·es d’emploi, qu’ils relèvent de l’assurance-chômage, du Revenu de solidarité active (Rsa) ou qu’ils soient reconnus comme travailleurs handicapés.

Ce projet avait réussi à créer l’unanimité contre lui lors de sa présentation en conseil d’administration de Pôle emploi. «  Les syndicats de salariés mais aussi patronaux soit avaient voté contre, soit s’étaient abstenus, rappelle Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la Cgt et chargé des questions emploi et chômage. Un service public de l’emploi, cela correspond à nos revendications, sauf que ce n’est pas l’essence de ce projet. L’objectif est de pousser les salariés vers des emplois précaires, pour servir les besoins du patronat.  » Ce nouveau texte se situe dans la continuité des précédentes réformes de l’assurance-chômage, qui visent à durcir le contrôle et à accentuer la pression sur les précaires.

Un «  contrat d’engagement  » pour tous les demandeurs d’emploi

Le projet de loi affiche un objectif vertueux  : faire passer le taux de chômage sous les 5  %. Les personnes inscrites à France Travail devraient signer un contrat d’engagement fixant des actions à respecter  : assister à des ateliers, à des formations, réaliser une «  immersion professionnelle en entreprise  », etc. Il ne s’agira «  ni de travail gratuit, ni de bénévolat obligatoire  », tente de rassurer la Première ministre Élisabeth Borne. La Cgt voit au contraire dans ce conditionnement des aides une forme de contrôle social. «  C’est tout le contraire de l’accompagnement personnalisé  », s’insurge Denis Gravouil.

En effet, si ces engagements ne sont pas respectés, France Travail aurait la possibilité de prononcer des sanctions graduées – jusqu’à la radiation. Quant aux allocataires du Rsa, ils pourraient voir leurs aides suspendues provisoirement, jusqu’au respect dudit «  contrat d’engagement  ».

Des sanctions moins dures mais plus systématiques

Opposée par principe aux sanctions, la Cgt rejette ce nouveau système. «  Désormais, ils sanctionneront un peu tout le monde, pas uniquement les fraudeurs. Cela risque d’accentuer les difficultés des précaires, sans aucun effet positif  », s’alarme le syndicaliste.

Si les futurs allocataires de France Travail seront soumis au contrat d’engagement, ils échapperont en revanche à une mesure qui, dans le projet initial, était extrêmement décriée  : les quinze à vingt heures d’activités obligatoires pour bénéficier du Rsa. Le ministère du Travail assure qu’il s’agira finalement d’un objectif individuel, adapté au cas par cas. En janvier, 18 départements s’étaient portés candidats pour expérimenter ce Rsa sous conditions. «  Le seul territoire où cette expérimentation a débuté est la Réunion, précise Denis Gravouil. Mais les organisations syndicales n’ont jamais été contactées à ce propos. Cela s’organise uniquement entre l’État et les collectivités territoriales.  »

Une surcharge pour les futurs agents de France Travail

Cette réorganisation des aides sociales implique aussi du changement pour les agents du service public. Les 400 000 bénéficiaires du Rsa, qui actuellement ne relèvent pas de Pôle emploi, seraient automatiquement inscrits dans les fichiers de France Travail, entraînant un volume de travail supplémentaire en termes d’accueil et d’accompagnement. Les agents tirent la sonnette d’alarme et réclament des recrutements.

D’autant que l’accès aux guichets de France Travail est également censé être facilité. «  Le gouvernement souhaite une agence à moins de 10 kilomètres pour toutes et tous. Pour cela, il faudrait recruter, mais le risque actuel est plutôt de déléguer à des agences d’intérim, et ce n’est pas acceptable  », explique Denis Gravouil.

Actuellement, Pôle emploi est financé par les cotisations sociales et par l’État. Sa transformation en France Travail supposerait un budget annuel augmenté de 4 milliards d’euros. Y seront-ils  ? Le ministère du Travail promet une loi de financement à l’automne. Le projet de loi sera examiné par la commission des Affaires sociales du Sénat le 28 juin.