Vu d’Europe – Virage à l’extrême droite

Par Nayla Glaise, présidente d’Eurocadres.

Avec deux vice-présidences exécutives, l’extrême droite intègre la Commission européenne, et déjà certains portefeuilles importants pour le front social et environnemental ont disparu. Pour les syndicats, il s’agit d’identifier les interlocuteurs et les points d’appui.

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Le 17 septembre, la Commission européenne a annoncé ses 27 commissaires pour le mandat 2024-2029. Sa composition donne une indication claire sur les orientations des cinq prochaines années et marque le coup d’envoi du travail législatif.

Le portefeuille de l’emploi et des affaires sociales a disparu du collège, et aucun commissaire n’est chargé de lutter contre la pauvreté, l’insécurité sociale et les injustices sur le lieu de travail, ce qui est tout simplement inacceptable. En outre, l’absence d’un portefeuille autonome pour l’égalité semble montrer les priorités d’une présidente qui prétend pourtant placer l’égalité entre les hommes et les femmes au cœur de son nouveau collège. Ces changements vont avoir un impact sur les syndicats, en élargissant leur champ d’action dans les différentes directions générales (Dg) et cabinets. Et il semble que la vice-présidence exécutive chargée « des Personnes, des Compétences et de l’État de préparation » doive être leur interlocuteur privilégié.

Si la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a été réélue avec le soutien de l’ancienne coalition du Parlement – Parti populaire européen (Ppe), Socialists & Democrats (S&D) et Renew Europe (Re) –, son collège de commissaires reflète le virage à l’extrême droite pris par le Parlement européen.

Deux vices-présidences pour l’extrême droite

En effet, bien que la grande majorité soient issus de ces trois partis – 14 pour le Ppe, 5 pour Re et 5 pour S&D –, deux membres de la Commission sont issus de l’extrême droite : Olivér Várhelyi (Hongrie) et Raffaele Fitto (Italie). Dans un geste incroyablement préjudiciable – et contraire à ce que laissait entendre la présidente de la Commission pendant sa campagne –, ce dernier a été nommé vice-président exécutif, doté d’un portefeuille clé : la Cohésion et les Réformes.

Heureusement, en dépit de son caractère minoritaire, le Groupe S&D a obtenu deux vice-présidences chargées de sujets cruciaux. L’Espagnole Teresa Ribera Rodríguez s’est vu confier de vastes responsabilités en tant que commissaire chargée d’une transition propre, juste et compétitive ; l’eurodéputée roumaine Roxana Mînzatu a, elle, été nommée commissaire chargée des Personnes, des Compétences et de l’État de préparation, un portefeuille qui présente un intérêt particulier pour Eurocadres et ses membres. Membre du Parti social-démocrate roumain, Mme Mînzatu devrait axer son mandat sur la protection des droits des travailleurs et des cadres dans toute l’Europe.

Composition de la Commission  : la réponse d’Eurocadres

Notre position est claire : l’orientation de l’Union européenne doit refléter les priorités des travailleurs, pas celles des entreprises. À une période où la précarité domine l’expérience quotidienne des travailleurs, il est incompréhensible qu’Ursula von der Leyen néglige à ce point l’emploi et des affaires sociales, tout en donnant à l’extrême droite la vice-présidence chargée de la Cohésion et des Réformes.  

Le comité Emploi et Affaires sociales (Empl) a élu à sa tête la Finlandaise Li Andersson, du Groupe de gauche, tandis que la réunion constitutive de juillet a vu le Suédois Johan Danielsson (S&D), la Polonaise Jagna Marczułajtis-Walczak (Ppe) et l’Allemande Katrin Langensiepen (Verts/Ale) élus vice-présidents. Le quatrième poste vacant, pourvu lors de la réunion du 4 septembre, a été occupé par le Ppe.

Proposer un agenda progressiste

Ayant rencontré les eurodéputés Li Andersson et Johan Danielsson en juillet à Strasbourg, nous sommes particulièrement heureux de leur élection à ces postes. Nous avons la conviction qu’ils proposeront un agenda progressiste. Compte tenu de leurs points de vue respectifs, de leur expérience et de leur expertise, nous sommes certains qu’ils feront avancer les discussions sur de multiples sujets : la santé mentale, le télétravail et le droit à la déconnexion, l’intelligence artificielle, le dialogue social et d’autres priorités liées aux conditions de travail.

Mathématiquement, le comité Emploi et Affaires sociales pourrait être plus difficile à naviguer, avec 7 Patriotes pour l’Europe (Pfe), 7 Conservateurs et réformistes européens (Ecr) et 2 membres de l’Europe des nations souveraines. Avec 93 membres, il faut 47 voix pour atteindre la majorité, alors que la Gauche, le S&D et les Verts ne détiennent que 40 sièges.

Un consensus sera nécessaire et Eurocadres est en train de rédiger un plaidoyer destiné à refléter cette situation. Dans tous les cas, le S&D contrôle le comité des Droits des femmes et de l’Égalité des genres mais aussi celui de l’Environnement, de la Santé publique et de la Sécurité alimentaire. Et les Verts ont la présidence du comité du Marché intérieur et de la Protection des consommateurs. Ce sera utile pour l’avenir.