Ville de Paris  : une mobilisation inédite des architectes-voyers pour sauver leur statut

Ces fonctionnaires territoriaux, qui traitent des dossiers d’équipement, d’urbanisme et d’environnement, refusent le déclassement qu’on veut leur imposer. Le 8 décembre, le tribunal administratif doit rendre une délibération.

Édition 021 de mi-décembre 2022 [Sommaire]

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Diplômés des écoles d’architecture, les architectes voyers constituent un corps hautement qualifié. © PhotoPQR / L’Est républicain / MaxPPP
Ces fonctionnaires territoriaux, qui traitent des dossiers d’équipement, d’urbanisme et d’environnement, refusent le déclassement qu’on veut leur imposer. Le 8 décembre, le tribunal administratif doit rendre une délibération.

C’est une réforme de l’administration parisienne, lancée en juillet 2017, qui ne passe pas. Depuis cinq ans, les agents de la Ville de Paris se mobilisent contre la fusion des professions techniques. Après le lancement d’une pétition, la tenue de journées d’actions, des recours en justice, les agents attendent une délibération du tribunal administratif, à l’issue d’une audience programmée le 8 décembre.

Si la bataille contre la fusion des statuts et des professions d’ingénieurs s’inscrit dans un temps long, les architectes-voyers ont, de leur côté, déjà fait reculer la mairie de Paris.

Les architectes-voyers de la Ville de Paris sont un corps puissant institué sous Henri IV. Chargés d’effectuer des études sur les constructions de la capitale et de développer un point de vue d’architecte sur l’urbanisme et la voirie, ils ont une vision globale de l’espace urbain. Une fois un appel d’offre attribué, c’est à eux de veiller au respect du projet. Comme tous les autres architectes, ils sont hautement qualifiés, et diplômés d’une école d’architecture. Dans la fonction publique territoriale, ils sont recrutés sur concours, et jouissent du statut de cadre A+ avec la rémunération correspondante.

À l’origine, la Ville de Paris souhaitait réformer le statut des agents communaux, notamment par la fusion des catégories A et A+. Il s’agissait de se conformer aux statuts de l’État, alors que rien ne l’y obligeait.

Un projet de fusion sous un nouveau statut

Les professions spécifiques, telles que les ingénieurs ou les architectes-voyers, auraient été fondues dans un nouveau corps  : celui d’ingénieurs et architectes d’administrations parisiennes (Iaap). D’emblée, ce projet de fusion a été dénoncé comme injuste et dangereux, et ses motifs  «  inexistants  », explique Pascal Dhennequin, représentant de la Cgt Santé Social Culture Administration Architecture Technique (Sscaat).

Le regroupement sous un même statut aurait permis à quiconque de postuler à l’ensemble des postes d’Iaap, sans distinction de diplôme. Un ingénieur ou un chargé d’étude aurait par exemple pu candidater comme architecte-voyer. Pour ces derniers, il s’agissait de défendre la valeur de leur diplôme, leur qualification et leur profession.

Une pétition qui recueille 2 000 signatures

C’est par une pétition que la mobilisation a débuté, dès le début du projet. En quelques jours, plus de 2 000 signatures se sont opposées à «  une offensive sans précédent contre nos statuts  ». L’enjeu était suffisamment important pour que les architectes-voyers, peu habitués à l’action collective, se regroupent et expriment leur désapprobation. Le 13 octobre 2017, une vingtaine d’entre eux se sont ainsi rassemblés devant la direction des ressources humaines.

«  Pour les architectes, c’était une première  ! C’est en cela que cette mobilisation peut être qualifiée d’exceptionnelle  », souligne Pascal Dhennequin, pour qui la réussite de ce mouvement est le résultat d’un travail au long cours de la Cgt à la Ville de Paris. «  La Cgt a perdu chez nous l’image ouvriériste qu’elle avait. Désormais, les cadres aussi osent faire appel à nous.  » 

L’autre enjeu  : les grilles de salaires

Le responsable syndical explique que les cadres étaient «  stupéfaits  » d’être traités ainsi par la municipalité. Selon lui, si «  la culture des cadres est différente, les objectifs restent les mêmes  ». C’est grâce à la documentation de l’Ugict-Cgt qu’il a pu s’adresser à ces agents et construire la mobilisation. En défendant les qualifications et les statuts, la Cgt a aussi voulu préserver les grilles de salaires.

Durant cette lutte, la Cgt a pu compter sur le soutien des autres formations syndicales. L’Union des cadres de Paris (Ucp), Force ouvrière et la Fsu ont conjointement appelé au boycott du Conseil supérieur des administrations parisiennes en février 2018. Tous rejetaient la fusion des corps techniques de catégories A et A+.

Une mobilisation couplée à une bataille juridique

L’invention du statut d’Iaap, inédit dans la fonction publique et qui concernerait 800 agents, a fait l’objet de nombreux recours en justice. La Cgt a attaqué un premier vote au Conseil de Paris, qui n’avait pas atteint le quorum. Annulé par la justice, le texte a finalement été adopté avec suffisamment de voix le mois suivant. Il a de nouveau été attaqué en justice, d’où l’audience du 8 décembre. En juillet, le tribunal administratif avait d’ailleurs confirmé l’annulation de la première délibération, tant sur la forme (absence de quorum) que sur le fond, soulignant que les emplois d’ingénieurs et d’architectes «  ne pouvaient être regardés comme équivalents  ».

Arthur Brondy