À la Caisse d’épargne, une action de groupe contre les discriminations femmes-hommes
Menée à l’initiative de la Cgt de la Caisse d’épargne d’Île-de-France, cette action de groupe entraîne une longue et épineuse bataille visant à démontrer et à corriger des inégalités systémiques.
Menée à l’initiative de la Cgt de la Caisse d’épargne d’Île-de-France, cette action de groupe entraîne une longue et épineuse bataille visant à démontrer et à corriger des inégalités systémiques.
C’est seulement le second dossier porté devant la justice, après celui de Safran : l’action de groupe menée par la Cgt de la Caisse d’épargne d’Île-de-France pour démontrer et corriger les inégalités hommes- fait l’objet d’une longue et complexe bataille judiciaire. Commencée en 2019, elle s’appuie sur le diagnostic de discriminations, tant en matière salariale qu’au niveau de la trajectoire de carrière. « Pour une femme à la caisse d’épargne d’Île-de-France, il faut en général trois à quatre années de plus pour obtenir une promotion par rapport à un homme », attaque d’emblée Valérie Lefebvre-Haussman, secrétaire générale de la fédération Cgt des Banques et Assurances. Côté salaire ce n’est guère mieux, puisque l’écart mensuel serait de 700 euros en moyenne.
C’est le cas notamment de Véronique Danet, directrice adjointe d’agence qui fait partie des huit femmes qui ont accepté de participer à cette action de groupe. « Cela remonte à 2014. Les hommes qui m’entouraient depuis vingt ans étaient des amis. Ils ont donc accepté de me montrer leurs bulletins de salaire et on a commencé à voir les différences. Au début , cette différence était estimée à 600 euros net par mois. Au final, mes avocats ont calculé plus de 11 000 euros nets de différence de salaire avec les hommes qui ont démarré en même temps que moi ou après. En réalité, plus on évolue, plus la différence de salaire est importante. »
L’action de groupe, un mode d’action choisi
« L’action de groupe vise à pallier l’insuffisance des actions individuelles, explique Clara Gandin, avocate de la Cgt dans ce dossier. Cela permet aux salariés de se réunir et de se battre ensemble pour, au-delà des réparations individuelles, s’attaquer aux causes et aux racines de la discrimination au sein de l’entreprise. » Son but est à la fois de révéler le problème et de réfléchir aux moyens de corriger les inégalités plus rapidement que ne le font les entreprises. « Elle permet de rendre la justice pour toute une catégorie de salariés, ajoute Bernard Dantec, secrétaire du syndicat Cgt à la Caisse d’épargne et délégué syndical. Avec l’action de groupe, ce qui est aussi visé, ce sont de « réels objectifs pour faire cesser les discriminations », explique Valérie Lefebvre-Haussman.
À la Caisse d’épargne d’Île-de-France, les discriminations portent aussi sur la formation. « Notre rapport permet de constater que les femmes y ont moins accès, et quand c’est le cas, ces formations sont moins longues et moins diplômantes que celles offertes aux hommes »,explique Clara Gandin, pour qui les chiffres de ce rapport « révèlent les “planchers collants” des coefficients que les femmes n’arrivent pas à quitter, et les “plafonds de verre” de ceux qu’elles n’arrivent pas à dépasser. C’est ce que l’on met en lumière dans notre assignation à la caisse d’épargne ».
Une bataille judiciaire… et de communication
Bataille judiciaire, l’action de groupe donne lieu à une véritable guerre de communication, la direction utilisant les outils à sa disposition pour mener la contre-offensive. Parmi ces outils, l’index « Pénicaud », censé mesurer les efforts réalisés par les entreprises pour tendre vers l’égalité femmes-hommes. À la Caisse d’Épargne d’Île-de-France, la direction se vante ainsi d’obtenir une note de 94 % à ce baromètre, laissant penser que l’entreprise est à la pointe sur ce sujet.
C’est précisément cette communication qui a poussé la Cgt à attaquer, comme le souligne Bernard Dantec en mettant en évidence les effets pervers de l’index : « Par exemple, si on augmente 10 hommes et 10 femmes, on obtient 20 points, même si les femmes ont été augmentées de 10 euros et les hommes de 100 euros… Avoir un outil pour mesurer les inégalités est une bonne chose. Maintenant, il faut l’améliorer. » Pour le délégué syndical, les enjeux sont multiples. Parmi eux : montrer que la Cgt est offensive en matière d’égalité. Lors des élections professionnelles de juin, il espère ainsi progresser chez les cadres, les plus touchés par ces inégalités, un collège où persiste encore une mauvaise image de la Cgt.
En décembre, le juge a légitimé l’action de groupe et ordonné à l’employeur de fournir les fiches de salaires. La Caisse d’épargne a fait appel de cette décision dont le délibéré est imminent. Si le juge confirme sa décision, la direction devra fournir les fiches de paie de tous les salariés deux ans avant et deux ans après les huit exemples de l’action de groupe ; une mine d’informations déterminante pour démontrer les discriminations. Bernard Dantec se veut optimiste : « Si nous parvenons à avoir un jugement favorable sur le fond, cela veut dire qu’il y aura une jurisprudence valable pour toutes les entreprises. »
Arthur Brondy
Parcours judiciaire
Avec la loi du 18 novembre 2016, les actions de groupe ont été introduites dans le droit français par Christiane Taubira, alors ministre de la Justice, pour permettre aux salariés de mieux faire reconnaître les discriminations dans l’entreprise. Avec ce principe, les salariés ne sont plus obligés de passer par le conseil des prud’hommes pour faire reconnaître une inégalité. « Ce n’est plus le ou la salariée qui porte la responsabilité de l’action mais le syndicat ou l’association », explique Bernard Dantec, secrétaire du syndicat Cgt à la Caisse d’épargne et délégué syndical. Le syndicat est en effet l’instigateur de l’action en justice à partir du moment où il recense deux exemples de discriminations. Le parcours en justice est long et complexe. Si le juge établit l’existence d’une discrimination, il définit alors les contours du groupe et les critères pour adhérer à ce groupe. Une période s’ouvre après cette décision pour que les salariés correspondant aux critères puissent décider de rejoindre le groupe des plaignants. Mais l’entreprise peut faire appel et donc retarder la procédure à chacune de ses étapes.
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