Une première (télé)grève réussie chez Expertise France

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Dans cette entreprise, 92 salariés se sont mobilisés, malgré la distance, pour la revalorisation de leur statut.

« Notre appel à la grève a été rédigé en vingt-quatre heures et diffusé quarante-huit heures avant le conseil d’administration de notre entreprise, se rappelle Marie Saquet, déléguée syndicale Cgt chez Expertise France. Nous n’avons pas le droit d’utiliser la messagerie interne pour diffuser de l’information syndicale. Tout s’est fait via WhatsApp. » Syndiqués et surtout non-encartés, bien plus nombreux, chacun y est allé de son réseau informel de discussion pour « viraliser » l’appel à la grève. Résultat : le jour J, 8 avril, 92 salariés sur environ 500 collaborateurs se sont déclarés en grève, le tout sans Ag au siège parisien de cette agence de coopération technique internationale sous tutelle du ministère des Affaires étrangères et de l’Europe.

Depuis le début de la crise sanitaire, le télétravail, déjà largement pratiqué, est devenu la norme. « Il n’y a jamais eu de grève chez Expertise France, note Louise Virault, représentante des salariés au conseil d’administration de cette agence de droit privé. Il a fallu expliquer comment faire grève, et à distance. » Au recto du tract, un tutoriel expliquait la démarche auprès de l’entreprise et proposait aux grévistes de programmer un mail de réponse automatique signifiant qu’ils étaient en grève. Enfin, un Doodle avait été créé pour suivre la mobilisation. « Tout au long de la journée, et dès 6 heures ou 7 heures, nous avons commencé à voir les gens s’y inscrire. Nous n’en revenions pas ! », se remémore Louise.

Une première victoire encourageante… à confirmer dans la durée…

D’ici la fin de l’année, Expertise France doit rejoindre le groupe l’Agence française de développement (Afd). Ils cohabiteront dans des locaux communs dès 2025. Une loi d’orientation doit encadrer cette « fusion », d’où le fait qu’en amont de la grève l’intersyndicale d’Expertise France s’était déjà adressée aux parlementaires et aux directions des deux entités pour réclamer une convergence de leurs statuts salariés. Le courrier a par la suite été signé, nommément, par la moitié des effectifs d’Expertise France. « On ne peut pas cohabiter avec des collègues qui vont gagner peut-être 20 % de plus que nous », pointe Louise. Un statut dont ne jouissent d’ailleurs pas les nouveaux entrants à l’Afd, où les syndicats tentent actuellement de sauver la convention, en cours de renégociation.

Le 11 mai, la direction d’Expertise France a annoncé la création progressive d’un 13e mois, la prise en charge à 100 % de la mutuelle et le versement mensuel d’une indemnité de télétravail de 20 euros. Une première victoire encourageante, mais les écarts restent conséquents entre les deux statuts. « Cette grève nous a permis de constituer un groupe d’une vingtaine de salariés très motivés, pour la plupart non syndiqués, se félicite Louise. Le défi est maintenant de faire vivre cet engagement et de toucher plus largement les services. » « La grève est une méthode. Mais, ce qui compte, c’est le piquet de grève : pouvoir se réunir, débattre. C’est le lien humain qui fait tenir les gens dans la durée », insiste Marie, pour qui seul le blocage de l’outil de production pourra conduire à une victoire satisfaisante. À suivre, donc.

Marion Esquerré

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