Recherche française : décrochage confirmé

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©PHOTOPQR/LE PARISIEN/Arnaud Journois
Sanofi et l’Institut Pasteur sont en échec dans le développement d’une réponse vaccinale rapide contre le Covid : la faute à pas de chance ?

Une performance. En quelques mois, de nombreuses équipes de recherche dans le monde ont réussi à concevoir des vaccins contre le Sars-CoV-2. Pas en France. Faute d’une réponse immunitaire suffisante de son vaccin basé sur celui de la rougeole, l’Institut Pasteur a jeté l’éponge et repart sur de nouveaux programmes encore au stade préclinique. Sanofi a pour sa part annoncé six mois de retard au minimum pour son vaccin le plus prometteur, à la suite d’erreurs de dosage. Ces fleurons de la recherche pharmaceutique assurent que « cela arrive » et que ça n’a rien d’inquiétant. D’autres s’interrogent : serait-ce un signe supplémentaire que la recherche française n’a plus les moyens de ses ambitions, comme le souligne notamment un récent avis du Cese ?  Des chercheurs de qualité formés en France, il y en a, mais l’attractivité – et l’efficacité ? – de la recherche française commence à être affectée par le peu d’emplois offerts, les salaires (63 % au-dessous de la moyenne des pays de l’Ocde en début de carrière), les conditions de travail médiocres et les financements insuffisants.

La France les plafonne à 2,2 % de son Pib, les crédits publics ont même baissé de 28 % entre 2011 et 2018 alors qu’ils augmentaient de 11 % en Allemagne et de 16 % au Royaume-Uni. L’Allemagne a même annoncé, en juin dernier, 50 milliards d’euros d’investissements dans la recherche et l’innovation. Les participations publiques dans les jeunes entreprises innovantes y sont courantes : ces « spin-off » créées par des chercheurs sont en toute logique adossées à des programmes de recherche publique – comme BioNTech… La nouvelle Prix Nobel de chimie, la biologiste Emmanuelle Charpentier, qui vient de s’installer outre-Rhin, a d’ailleurs déclaré que la France ne pouvait pas lui offrir de moyens équivalents. Les Français s’expatrient de plus en plus, à l’instar du créateur et Pdg de Moderna, chercheur en biologie et ex-haut dirigeant de BioMérieux.

Dans une note en date du 26 janvier, le Conseil d’analyse économique (rattaché au Premier ministre) n’hésite pas à évoquer le « lent déclin français » depuis 1990 en matière de brevets comme de recherche pharmaceutique, préconisant des investissements urgents, tout particulièrement dans la recherche fondamentale. Ce n’est pas l’orientation choisie par la récente loi de programmation pour la recherche, qui ne mise pas sur l’anticipation et les prises de risques, mais sur des projets ciblés et susceptibles de porter leurs fruits rapidement.

C’est pourtant en maintenant un appareil de recherche publique solide et en pilotant certaines de ses applications que la France assurerait le développement et le maintien sur nos territoires d’emplois qualifiés, d’activités industrielles d’avenir et les conditions de son indépendance sanitaire…

Valérie Géraud